Nous voudrions vous présenter ici un ouvrage fort attendu dans le milieu militant sur le prisonnier politique, communiste et révolutionnaire libanais, « L’affaire Georges Ibrahim Abdallah », écrit par Saïd Bouamama.
Photo couverture du livre de Saïd Bouamama
Dans son introduction, Saïd Bouamama compare, à juste titre, « l’affaire Abdallah » à « l’affaire Dreyfus », bien connu dans le monde et qui a fait l’objet de nombreux ouvrages et films.
« Comme il y a eu hier une « affaire Dreyfus » ou une « affaire Audin », il y a aujourd’hui une « affaire Abdallah ». Arrêté le 24 octobre 1984, Georges Ibrahim Abdallah est non seulement le plus ancien prisonnier politique de France aujourd’hui, mais le plus ancien de l’historie de la France depuis la révolution française (1789). Même un Auguste Blanqui, surnomé « l’enfermé » en raison de ses nombreux séjours en prison, ne purgera pas une peine aussi longue d’une seule traite.
L’année 2021 sera celle de la trente-septième année d’incarcération de Georges, c’est-à-dire celle d’un emprisonnement égal au cumul de tous les séjours en prison de « l’enfermé ».
À titre comparatif, Nelson Mandela purgera une peine de 27 ans sous le régime raciste de l’apartheid. Il faut aller au cœur du système impérialiste aux États-Unis, pour trouver en la personne du militant américain Léonard Peltier, un détenu politique plus ancien, avec le triste record de 43 ans d’emprisonnement. »
Georges Ibrahim Abdallah lors de son procès en France
L’auteur s’insurge contre la classe dominante française ainsi que l’impérialisme sous toutes ses formes et de ses laquais qui commettent impunément des crimes contre l’humanité partout dans le monde tout en se drapant d’innocence en condamnant de véritables innocents comme Georges Ibrahim Abdallah. Il présente le plus ancien prisonnier de France comme un résistant communiste pour la Libération des peuples opprimés luttant contre le joug impérialiste des forces d’oppression et d’Occupation. Sa lutte est donc légitime et il fait partie de nos luttes car nous luttons avec lui contre l’impérialisme.
Photo stylisée de Georges Ibrahim Abdallah portant le Kheffieh rouge palestinien
Il faut savoir que Georges Ibrahim Abdallah est issu d’une famille chrétienne maronite, Georges Ibrahim Abdallah naît en 1951 à Kobayat, au nord du Liban. Instituteur, il se politise très tôt au marxisme et au nationalisme arabe, deux mouvements en pleine ascension dans le monde arabe.
Après la Nakba de 1948 et la Guerre de 1967, le Liban accueille dans des camps des millions de réfugiés palestiniens qui sont chassés par Israël. C’est dans ces camps que la vie palestinienne s’organise et c’est aussi à travers eux que Georges Abdallah découvre la Palestine.
En septembre 1970, le régime jordanien chasse la résistance palestinienne de son territoire leur reprochant leur lutte contre Israël depuis sa frontière. Des milliers de résistants trouvent refuge au Liban ce qui impact profondément la vie politique libanaise.
En 1971, Georges Abdallah rejoint le Front Populaire de Libération de la Palestine – FPLP. Une organisation marxiste palestinienne fondée en décembre 1967 par Georges Habache et Wadie Haddad.
Georges Abdallah est blessé en 1978 dans des combats contre l’invasion israélienne du Liban. Il comprend très tôt que derrière Israël, la guerre sert aussi des intérêts occidentaux et notamment américains.
En 1982, c’est l’invasion israélienne du Liban appelée « Paix en Galilée », Beyrouth sera occupée. Cette invasion fait 20.000 victimes civiles dont le massacre de Sabra et Chatila en septembre 1982. Le Sud-Liban est occupé par Israël jusqu’en juin 2000.
Face à cette occupation et aux massacres d’Israël, Georges Abdallah co-fonde les FARL – Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises. L’objectif est de « frapper l’ennemi partout où il se trouve ».

Les FARL revendiquent plusieurs opérations dont l’exécution de Charles Ray, attaché militaire , et de Yacov Barsimentov, responsable du Mossad, en 1982 à Paris. Ils déclarent : « Depuis sept ans le peuple Libanais subit la guerre. […] C’est notre droit de nous défendre. »
Georges Ibrahim Abdallah est donc rompu idéologiquement à la lutte armée contre les forces colonialistes et impérialistes sur lesquels s’appuie le sionisme pour Occuper les Palestine et il n’hésite donc pas, le moment venu, de prendre les armes pour lutter contre la force d’Occupation sioniste tant au Liban qu’en Palestine.
Il revendique même sa lutte armée de Libération comme une lutte légitime contre les forces colonialistes et impérialistes qui occupent illégalement la Palestine.
Pierre Stambul écrit dans la Préface : « Mon père a évolué à droite et est devenu anticommuniste avec l’âge. (Mais) Sur l’époque de la lutte armée – le père de Pierre Stambul lutta dans la Résistance avec le MOI contre l’Occupation nazi pendant la IIe Guerre mondiale – il n’a pas varié et a toujours dit : « nous savions que, si nous luttions, nous étions condamnés à mort, et (que) si nous ne luttions pas, nous étions aussi condamnés à mort. Alors nous avons choisi de lutter. »
Il rappelle que, dans l’histoire de toutes les luttes de libération nationale, les résistant.e.s ont toujours été initialement traité.e.s de « terroristes ». Cela a été le cas en Algérie, au Vietnam, en Afrique du Sud. Même les sionistes furent considérés à un certain moment comme des « terrorises ».

Saïd Bouamama affirme, dans son essai, l’innocence de Georges Abdallah. Nous sommes en présence d’une « affaire d’état » dit-il. Il dénonce l’ingérence du pouvoir politique dans sa condamnation et l’acharnement du pouvoir d’état à la garder incarcérer malgré qu’il ait purgé l’entièreté de sa peine.
Libérable, dit-il, selon le droit français depuis 1999, Georges se voit systématiquement refuser ses demandes de libération conditionnelle jusqu’en 2003 quand l’administration de Pau autorise finalement sa libération qui est refusée sur intervention du ministre de la Justice en novembre 2004. Il s’en suivra une série d’interventions politiques au cours desquels même le Département d’État des États-Unis en la personne d’Hillary Hilton est personnellement intervenue pour exiger que le gouvernement français ne libère pas Georges Ibrahim Abdallah.
Rappelons, de surcroît, le fait que la couverture médiatique dont « l’affaire Abdallah » fut l’objet lors de son arrestation en 1984 et de sa condamnation sous le couvert du « secret d’état », procédure soustrayant le procureur de la République de son obligation de divulguer la preuve à l’accusé pour sa défense lors du procès, fut plus que tendancieuse et nous laisse croire à une intervention du politique dans le pouvoir juridique, transgressant ainsi la nécessaire indépendance que le pouvoir judiciaire doit avoir avec le pouvoir politique dans un soi-disant « état de droit ».
« On imagine également assez mal que l’opinion publique française accepte (…) sans bouger la libération de Georges Ibrahim Abdallah alors que quinze blessés (…) sont toujours hospitalisés » assène par exemple la journaliste de Libération Véronique Brocard.
« L’affaire Abdallah, martèle Saïd Bouamama, est également un bel exemple de la fabrique médiatique de l’opinion et un analyseur de notre système médiatique dominant. L’absence de mobilisations significatives de nombreuses organisations et associations de « gauche » jusqu’y compris celles se revendiquant comme Abdallah, de l’anticapitalisme et de l’anti-impérialisme, est une autre dimension de l’affaire. La peur d’être accusé de soutenir un « terroriste » conduit à un silence gêné et à l’inaction pour le mieux, à la reprise des accusations officielles pour le pire. »
« L’affaire (…) souligne l’efficacité du thème du « terrorisme » dans la bataille pour l’hégémonie culturelle que mène la classe dominante », ajoute Saïd Bouamama.
En paraphrasant Jean Jaurès, nous devons, dit Saïd Bouamama, sans hésitation crier:
« La France a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est dans l’hexagone qu’un tel crime social a pu être commis pendant plus de 35 ans. Puisqu’ils ont osé, nous oserons aussi, nous (…) Notre devoir est de parler, nous ne voulons pas être complices. Nos nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, un crime qu’il n’a pas commis. »
Oser lutter! Oser vaincre!
Face à la répression, la solidarité est notre arme!
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Vidéo du lancement du livre de Saïd Bouamama:
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